Photographie © Lionel Lhenry, 2017

[English text below]

Entretien avec Dune Varela, par Manon Lutanie, pour Toujours le soleil, Éditions Trocadéro, 2017

Manon Lutanie : Tes premières séries photographiques étaient très construites, et essentiellement réalisées au format moyen horizontal. Depuis quelques années, tu as fait voler ce système en éclat, et tu as commencé un véritable travail sur la matière, avec des accidents, des reliefs, un foisonnement des formats et des sources. Pour cette résidence, tu as travaillé à partir des archives photographiques du musée Nicéphore Niépce, de tes propres images et d’images trouvées, que tu as imprimées sur différents supports : du papier, du métal, du plâtre, des carreaux de céramique, du verre, de la pierre. Est-ce un pas vers la sculpture ou, du moins, vers une approche sculpturale de la photographie?

Dune Varela : J’avais envie d’expérimenter la matière, de donner une autre forme à l’image photographique qui est le plus souvent un plan, une épreuve papier. En multipliant les formats, les supports et les matières utilisées, je questionne la matérialité de l’image et sa forme de représentation. Intervenir sur la surface, c’est aussi une manière de m’approprier des images qui ne sont pas toujours les miennes, et d’acquérir ainsi une forme de légitimité dans le vol ou le détournement. J’ai voulu donner une autre dimension, un autre corps à l’image, et travailler avec des matériaux tels que le plâtre ou la céramique me permet d’activer un autre mode de perception. La surface sur laquelle j’interviens n’est plus seulement un plan, un papier photosensible sur lequel s’imprime une photographie : l’image se matérialise comme si elle s’appropriait la matière. À l’origine, la photographie s’inscrivait dans la matière. La première image fixe a été prise par Nicéphore Niépce. C’est une représentation de la nature obtenue depuis son balcon à partir d’une plaque d’étain recouverte de bitume de Judée placée dans une chambre noire. Niépce a cherché a fixer la première image avec le bitume de Judée qui est de la résine d’origine minérale. Donc la première image a pu être créée grâce à un pigment organique d’origine fossile, provenant originellement d’une terre de l’actuelle Syrie. Il a également cherché à fixer des images sur des plaques de verre ou des pierres calcaires. Toutes ces correspondances sont présentes ici.

Comment as-tu travaillé dans les archives du musée? À quels documents avais-tu accès? Qu’est-ce qui a retenu ton attention?

L’immersion dans le musée, le temps que j’ai pu passer, seule, à observer les images et les formes, a précipité ma réflexion sur la question de la matérialité de l’image et son corollaire, sa disparition. J’ai pu voir au musée toutes sortes d’exemples d’altérations des supports photographiques : des négatifs sur plaques de verre oxydées, ce qui crée un bleuissement de la surface photosensible due au polluant atmosphérique formant comme un miroir d’argent, des négatifs altérés, voire complètement détruits par le nitrate de cellulose, première matière plastique utilisée comme support. L’image s’autodétruit et peut aller même jusqu’à prendre feu. Les musées sont pour nous, occidentaux, un lieu d’étude, de conservation et de transmission du patrimoine. Cette interrogation sur l’origine et la conservation de la photographie, à un moment de l’histoire où tout est reproductible, renvoie aussi à la question de la préservation de la nature et à celle de l’authenticité de ce qui est photographié. Ici ce qui est photographié fait illusion ; les temples sont rarement la construction originale, ils ont été maintes fois détruits et reconstruits ; les grottes, bien qu’elles soient des cavités souterraines naturelles pour la plupart, font l’objet d’une scénographie, d’une forme d’artificialisation, de mise en scène. La photographie, le rapport à l’image, est le reflet du monde, du temps dans lequel nous vivons. Combien de temps a duré la fabrication de la première image photographique? Le Point de vue du Gras, réalisé par Nicéphore Niépce, imprimé sur une plaque d’étain avec du bitume de Judée, a nécessité dix heures de pose. Aujourd’hui, nous sommes saturés d’images, tout se produit constamment dans l’immédiateté, et nous regardons le monde le plus souvent à travers le prisme d’un écran. L’image virtuelle fait écho à l’accélération de nos quotidiens. J’ai retranscrit cette accumulation, ces strates de photographies virtuelles en imprimant des captures d’écran sur des plaques de céramique industrielle, que j’ai ensuite brisées, n’en conservant que des fragements. J’ai utilisé un mode de fabrication qui s’inscrit dans la lenteur, la possibilité de l’échec et l’expérimental. Les images que j’ai choisies dans le musée sont d’une certaine manière le symbole d’un temps arrêté, figé, représentant des sites géologiques ou archéologiques que l’on cherche à mettre en scène et à conserver : les grottes, les temples grecs.

Pourquoi ces images en particulier?

Les temples grecs constituent une des traces de l’origine de l’Occident. Aujourd’hui, ils ne sont plus seulement l’émanation d’un phénomène religieux, ils témoignent surtout, en tout cas à mes yeux, de la pensée grecque et du processus de structuration de cette société. Ces photographies de temples ont été imprimées et contrecollées sur aluminium, j’ai ensuite tiré dessus avec un 38 mm, un Smith & Wesson, à la société de tir de Chalon-sur-Saône. Je voulais observer l’impact des balles sur la matière, la déchirure du métal. Certaines des images des temples proviennent du musée, d’autres d’Internet, comme l’image du temple de Bêl, à Palmyre, que j’ai imprimée sur une pierre que j’ai ensuite brisée. Pour les grottes, je me suis surtout servie des archives du musée comme d’une base de travail pour mes recherches visuelles et je suis ensuite allée les photographier.
Que ce soient des paysages construits par l’Homme ou des sites géologiques, ces lieux font partie du patrimoine culturel et historique. On attribue aux grottes, comme aux temples, des fonctions sociales, religieuses et symboliques. Les uns sont construits vers le ciel, les autres se développent sous la terre. Il y a une opposition et une similitude. Ce sont des vestiges devenus des décors, des sites touristiques. Je cherche à questionner des formes, des idées qui comportent des oppositions : naturel/artificiel, préserver/ détruire, révélation/disparition, contenu/contenant.

Tu es intervenue sur les supports de tes images en les fragmentant, en les brisant, en les déchirant ou en faisant des entailles, en les recouvrant de peinture ou, comme tu l’expliquais, en tirant dessus au revolver. Tu leur as fait violence. C’est comme si l’introduction de la matière impliquait, pour toi, son altération immédiate.

Je crois que ce que j’ai cherché à détruire, à déconstruire, c’est une forme de représentation du beau, du formel. Mes photographies prises dans les musées d’histoire naturelle ou dans les zoos, représentaient des décors vides, elles étaient en un sens classiques, formelles. Mais elles portaient aussi une violence, celles de l’absence, de la mort. La photographie porte en elle cette fixation, c’est une capture. Je voulais produire quelque chose de plus brut, me lancer dans l’inconnu de la matière en acceptant les accidents, en allant même jusqu’à les provoquer. Pour certaines de ces images, les temples en particulier, je suis intervenue sur différentes strates : j’ai, dans un premier temps, imprimé ces images sur lesquelles j’ai créé des entailles, des déchirures, des altérations. J’ai ensuite imprimé les scans de ces images altérées sur des supports que j’ai violentés ou brisés. Il y a donc une double intervention, à l’intérieur de l’image et sur la surface du support. Cette approche plus sculpturale est le fruit d’un questionnement sur la nature de la photographie et offre la possibilité d’évoquer l’histoire du support. C’est aussi une manière d’interroger l’idée de pérennité, de plasticité et de bi-dimensionnalité de la photographie et d’utiliser ensuite dans un dispositif d’exposition les codes de l’archéologie. C’est une manière enfin de réfléchir à l’altération et la fragilité de la photographie comme support, jusqu’à sa disparition. Je me demande si, plutôt que la destruction, ce ne sont pas les traces qui m’intéressent. Les fragments évoquent un monde en suspens, ils laissent la possibilité d’une construction mentale. La trace après la disparition est importante pour moi, c’est ce qui reste, c’est aussi, de manière inhérente à la photographie, la trace de ce qui a été.

La représentation de la nature a toujours été au cœur de tes photographies. Souvent, la végétation était omniprésente, le règne animal également. Ici, c’est le minéral qui domine, le métallique. Il s’agit d’une nature plus froide, baudelairienne.

Oui, la représentation de la nature est au cœur de mon travail dès lors que je peux établir un lien avec les sciences, la recherche, l’archéologie ou l’histoire. Cela offre de nombreuses possibilités. Je pense à l’analyse de Jacques Leenhardt, pour qui la notion de paysage a, d’une part, une dimension naturelle grâce aux règnes qui le constituent (végétal, animal et minéral) et, d’autre part, une dimension culturelle à travers le cadrage perceptif qu’il implique. Le paysage « obéit aux lois (…) de la chimie du vivant (photosynthèse) en même temps qu’il subit les processus cosmiques d’érosion qui relèvent du principe d’entropie. » Par ailleurs, il n’existe que par « un sujet spectateur qui fait lui-même partie de la nature et se trouve, en tant que regardeur, construit dans et par l’évolution sociale et historique du regard ». Il y a là une articulation assez complexe entre nature et culture. Ce qui m’interesse c’est le lien entre la photographie et la notion de paysage. La photographie implique un cadre et c’est aussi une expression temporelle, or, le paysage est aussi une portion délimité de la nature définissant un point de vue à un moment donné.

C’est intéressant parce qu’en latin, le temple, initialement, c’est un cadre, c’est l’espace délimité sur le sol qui correspond à un espace délimité du ciel dans lequel observer les présages. À l’occasion de la résidence, tu es allée photographier une série de temples en ruines, en Sicile, n’est-ce pas?

Oui, j’avais sélectionné au musée Nicéphore Niépce des images de photographes voyageurs, dont certaines images de temples. À l’origine la photographie était extrêmement liée à l’exploration, au voyage, aux expéditions. Certaines missions consistaient aussi à répertorier les sites archéologiques. J’ai voulu, moi aussi, me déplacer. Je suis partie en Sicile, dans la vallée des temples d’Agrigente, pour photographier le temple de la Concorde et le temple d’Héra (ou de Junon, selon qu’on le nomme par son nom grec ou par son nom romain). L’image de la couverture de ce livre est un fragment de l’image de ce temple. Caspard David Friedrich a peint ce temple, sans y être allé; il pensait que son travail serait altéré s’il peignait d’après nature. J’ai aussi utilisé des vues de la côte algérienne provenant des archives du musée. Je les trouvais très belles dans leur altération, la chimie les avait attaquées par les bords, laissant une ouverture centrale, comme une grotte ou un objectif. Les négatifs sur verre de ces images n’existent plus, elle ne sont plus qu’une trace numérique. Je crois qu’elles ont été détruites car elles étaient potentiellement dangereuses, elles pouvaient s’enflammer. J’ai su par la suite que l’auteur de ces images était Louis Arthur Ducos du Hauron, l’un des inventeurs de la photographie en couleur, c’est-à-dire du procédé d’impression polychrome et des anaglyphes.

Tu as tiré sur ces images de temples, dont l’image du temple de Bêl à Palmyre, qui a été récemment détruit par l’État islamique. La violence de notre époque induit-elle la violence, la radicalité de ton geste?

Ce travail parle de la destruction, de la disparition. C’est effectivement lié à la violence de notre époque. Pour tirer sur les images, j’ai été initiée par un membre de la société des amis du musée Nicéphore Niépce, Lionel Lhenry. J’ai dû choisir une arme de tir et un calibre adapté à l’effet que je souhaitais produire en tirant sur l’aluminium. La taille des impacts devait être en rapport avec les colonnes des temples que je visais. J’ai tiré sur l’envers de l’image pour que l’on perçoive les déchirures du métal, l’éclatement. Il a fallu aussi suivre un protocole de sécurité strict relatif à l’utilisation d’une arme dans un stand de tir. J’ai détruit des pierres sur lesquelles étaient représenté le temple de Bêl, j’ai tiré à balles réelles sur des images de temples : on ne peut pas être plus manifeste. Il s’agit de la destruction de notre société occidentale, de notre idée de démocratie. Mais la destruction est à la fois endogène et exogène. La barbarie qui attaque notre civilisation existe à côté de celle qui naît de l’intérieur, une dislocation moins visible qui attaque le tissu social et les fondements de la pensée humaniste. Je parle surtout de mon inquiétude, de cette dichotomie moderne qui consiste à vouloir conserver des morceaux du monde tout en le détruisant.

On assiste au fil des pages à une fragmentation puis à une dissolution, une disparition de l’image. Pourtant, le livre se ferme sur une photographie d’un enfant, ton fils, qui est la seule figure humaine présente dans ces images. Ton fils est présent à plusieurs reprises dans ton travail photographique. Quelle place prend-il ici à tes yeux?

J’aime les ruines, les fragments, les images vieillies retrouvées dans des tiroirs, les fresques abîmées du musée archéologique de Naples, les statues sans tête, Pompéi… les reliques d’un monde qui s’est effondré. Ce qui a traversé mes recherches, c’est la pensée de la disparition, la disparition de l’image, de la représentation et, par extension, de la civilisation, ou encore : la transformation de l’image en trace, en résidu, en fragment. Il y a quand même ce grand mystère dans la photographie, c’est l’image latente. L’image est en devenir sur la pellicule mais, à ce moment là, invisible. Dans le choix des photographies ou dans les transformations que j’ai opérées, notamment les impacts, je retrouve des cavités, des trous, des percées, des passages. Comme si la disparition menait quelque part, c’est une fenêtre. Tout cela figure l’idée de l’infini. Mon fils arrive à la fin, c’est l’être humain, la transmission, la boucle.

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Interview with Dune Varela, by Manon Lutanie, in Toujours le soleil, Éditions Trocadéro, 2017

Manon Lutanie: Your early photographic series were very structured, and basically in medium horizontal format. Then a few years ago you broke with that system and set about working with texture—accidents, uneven surfaces—and all sorts of formats and sources. Your starting points for this residency were archival photographs from the Musée Nicéphore Niépce, your own images, and found images, that you printed onto various surfaces: paper, metal, plaster, ceramic tiles, glass, stone. Is this a move towards sculpture, or at least towards a sculptural approach to photography?

Dune Varela: I wanted to experiment with matter; to give a different form to the photographic image, which most often is flat, a print on paper. By diversifying my formats, media, and substances, I interrogate the materiality of the image and its form of representation. To address the surface directly is also a way of appropriating images that aren't always my own, and thus bringing a kind of legitimacy to theft or rechanneling. I wanted to give the image another dimension, another body, and working with materials like plaster or ceramic lets me activate a different perceptual mode. The surface I'm working on is no longer just a flat piece of light-sensitive paper I'm going to print a photo on; instead the image materializes as if it were appropriating the substance. At the outset the photograph was inscribed in a substance. The first stable image was taken by Nicéphore Niépce: a representation of the natural world obtained from his balcony, using a pewter plate coated with bitumen of Judea and placed in a darkroom. Bitumen of Judea is a resin of mineral origin, so the first image was made possible by an organic fossil pigment originally taken out of the ground in what is now Syria. Niépce also tried fixing images on glass plates and limestone. All these variants are present in the exhibition.

How did you work in the museum archives? What material did you have access to, and what caught your eye?

I was able to immerse myself in the museum and the time I spent there, alone, looking at images and other things, soon set me thinking about the materiality of the image and its corollary: its disappearance. I saw all kinds of changes to photographic supports: negatives on oxidized glass plates, with the photosensitive surface turning blue and forming a kind of silvery mirror; and negatives damaged or even completely destroyed by cellulose nitrate, the first plastic to be used as film. The nitrate image self-destructs and can even end up bursting into flames. For us Westerners museums are a place for studying, preserving, and passing on a heritage. This exploration of the origins and conservation of photographs at a point in history when everything is reproducible also raises the issues of the preservation of nature and the authenticity of what has been photographed. What's in these photos is illusory: temples are rarely in their original state—they've been destroyed and rebuilt over and over. The caves are mostly natural underground cavities, but they've been subjected to a scenography, a kind of artificialization, a mise en scène. Photography—our relationship with the image—is a reflection of the world, of the time we live in. How long did it take to make the first photographic image? The View from the Window at Le Gras, printed by Nicéphore Niépce on a pewter sheet coated with bitumen of Judea, required an exposure time of ten hours. Nowadays we're saturated with images, everything is constantly, immediately produced, and more often than not we look at the world through the filter of a screen. The virtual image echoes the acceleration of our daily lives. I transcribed this accumulation, these strata of virtual photos, by printing screen shots on industrial ceramic sheets which I later smashed and only kept fragments of. I used a mode of fabrication based on slowness, experiment and the possibility of failure. The images I chose in the museum are, in a way, symbolic of a time that's stopped, been frozen; they're pictures of geological or archeological sites people are trying to preserve and put on show: caverns, and Greek temples.

Why these images in particular?

Greek temples are one of the traces of the origins of the West. Today they're no longer just evidence of a religious phenomenon; above all they're testimony—at least as I see it—to Greek thought and the ongoing structuring of Greek society. These photographs of temples were printed and mounted on aluminum, and then I fired at them with a Smith & Wesson 38 at the Chalon-sur-Saône Shooting Club: I wanted to see the impact of the bullets after they'd torn into the metal. Some of the temple images came from the museum and others from the Internet, like the one of the Temple of Baal in Palmyra, which I printed on a stone that I afterwards broke. As for the caverns, I mainly used the museum archives as a basis for my visual research, and then I went and photographed them myself.
Whether they're landscapes created by humans or geological sites, these places are part of our cultural and historical heritage. Like temples, caverns were assigned social, religious and symbolic functions. Temples were built reaching towards the sky, while the caverns evolved underground. There's a dichotomy and a similarity here. They're vestiges that have become scenery for tourists. I'm trying to go deeper into forms and ideas involving dichotomies: natural/artificial, preserve/destroy, revelation/disappearance, content/container.

You've tackled your image supports by fragmenting, breaking, tearing, or slicing into them, by covering them with paint and, as you've just explained, firing a gun at them. You've inflicted violence on them. It's as if, for you, the introduction of matter entailed its immediate degradation.

I think that what I've tried to destroy—to deconstruct—is a type of representation of the beautiful and the formal. The photos I once took in natural history museums and zoos showed empty settings: in a sense they were classical, and formal. But there was a violence about them too, the violence of absence and death. Photography embodies this fixation; it's all about capturing. I wanted to produce something harsher, I wanted to cast myself into the unknown-ness of matter, accepting the accidents even to the extent of actually causing them. For some of these images, the temples in particular, I worked by strata: first of all I printed them, then I cut and tore and distressed them. Then I printed scans of these damaged images onto supports that I roughed up or broke. So there was a dual intervention: on the inside of the image and the surface of the support. This more sculptural approach is the outcome of speculation about the nature of photography, and it offers you the possibility of going into the history of the support. It's also a way of investigating the notions of the lasting quality, plasticity, and two-dimensionality of the photograph and then applying the codes of archeology to a mode of exhibition. Last of all it sets you thinking about the fragility and deterioration of the actual photograph, down to the point where it disappears. I wonder if, rather than destruction, it's not the leftover traces that interest me. Fragments conjure up a world hanging fire, and leave open the possibility of a mental construct. The post-disappearance trace is important for me: it's what's left, and it's also, in a way inherent in photography, the trace of what once was.

Representation of nature has always been a core part of your photographs. Vegetation was often omnipresent, and the animal kingdom too. Here it's the ascendancy of the mineral and the metallic. This is a colder, baudelairean natural world.

Right, representation of nature is a central part of my work as long as I can set up a connection with science, research, archeology or history. There are lots of possibilities here. I'm thinking of Jacques Leenhardt, for whom the concept of landscape has, on the one hand, a natural dimension owing to the animal, vegetal and mineral kingdoms it's composed of, and on the other hand a cultural dimension owing to the perceptual framework it entails. For Leenhardt landscape "obeys the laws . . . of the chemistry of living systems (photosynthesis) at the same time as it is subject to the cosmic processes of erosion embodied in the principle of entropy." Moreover it exists only through "a viewing subject who is himself part of nature and, as spectator, is shaped in and by the social and historical evolution of the gaze." Here we have quite a complex interconnection between nature and culture. What interests me is the link between photography and the concept of landscape. Photography implies a framework and is also an expression of temporality, while landscape, too, is a specific portion of the natural world that defines a point of view at a given moment.

That's interesting, because originally, in Latin, the templum was a space marked out on the ground, matching a space marked out in the sky, for the taking of auspices. During the residency you went to Sicily to photograph a series of ruined temples, is that right?

Yes, that's right. At the Musée Nicéphore Niépce I'd picked out images by traveling photographers, including pictures of temples. Early photography was very much a part of travel and exploration, and some expeditions also involved identifying archeological sites. I wanted to travel too, so I went to Sicily—to the Valley of the Temples, in Agrigento—to photograph the Temple of Concordia and the Temple of Hera (or Juno, to use the Latin name instead of the Greek one). The picture on the cover of this book is a fragment of my image of the Temple of Hera. Caspar David Friedrich did a painting of this temple, but without actually going there: he thought his picture would go wrong if he painted it from life. I also made use of views of the Algerian coast from the museum archives, which I found very beautiful in their deteriorated state: the chemical changes had worked in from the edges, leaving a central perspective, like a grotto or a lens. The original glass negatives don't exist anymore, I think they were destroyed because they were potentially dangerous and could ignite spontaneously. Now there are only the digital reproductions. I found out later that the originals had been taken by Louis Arthur Ducos du Hauron, one of the inventors of color photography via the three-color method, and of stereoscopic photography.

You fired a gun at these temple pictures, including the one of the Temple of Baal in Palmyra, recently destroyed by Islamic State. Is the violence of our epoch the instigator of the violence and radical character of your act?

Here my work is all about destruction and disappearance, and yes, it is connected to the violence of our epoch. For the shooting part I was tutored by Lionel Lhenry, a member of the Friends of the Musée Nicéphore Niépce. I had to choose a weapon and a caliber that would produce the effect I wanted when fired at the aluminum: the size of the impacts had to be in proportion to the temple columns I was aiming at. I shot at the back of the image so that the viewer could see the tearing and shattering of the metal. There's a strict security protocol to follow regarding the use of guns on a firing range. So, I destroyed stones with images of the Temple of Baal printed on them and fired real bullets at images of temples: you can't be clearer than that. The issue is the destruction of our Western society, of our idea of democracy. But this destruction is endogenous as well as exogenous: the barbarism that's attacking our society from outside exists side by side with an internal version, a less visible assault on the social fabric and the fundamentals of humanist thinking. Most of all I'm talking about my own disquiet, about the modern dichotomy that consists in striving to save bits of the world at the same time as we're destroying it.

Leafing through the book, we witness a fragmentation followed by a dissolution—a disappearance—of the image. But you conclude with a photo of a child, your son, who's the book's sole human presence. Your son makes several appearances in your work; what do you see as his place in it?

I love ruins, fragments, old pictures found in drawers, the battered frescoes in the archeology museum in Naples, headless statues, Pompeii—the relics of a world that fell apart. The constant strand in my investigations is the idea of disappearance: disappearance of the image, of representation, and by extension of civilization; and the transformation of the image into trace, residue, fragment. There's this enormous mystery in photography—the latent image. The image is potentially there on the film, but for the moment it's invisible. In my choice of photographs and the transformations I've effected—especially with the bullets—I find cavities, holes, perforations, passageways. As if disappearance leads somewhere, as if it's a window. All that's a trope for infinity. My son comes along at the end: the human being, transmission, the closing of the loop.